Notre pays se trouve aujourd’hui à quelques jours des élections présidentielles, prévues le 22 juin prochain. C’est l’occasion pour que tous les acteurs politiques, à la majorité comme à l’opposition, acceptent le fait qu’on soit à bord de la même embarcation, si elle chavire, à Allah ne plaise !, c’est tout le monde qui en paierait les pots cassés. Si, par contre, elle arrive à bon port, c’est tout le monde qui en tirerait profit.
Certes, l’enjeu électoral principal pour nos politiciens de tous bords c’est « le capitaine » qui va diriger le bateau, peu importe pour eux l’état de l’embarcation elle-même. Or, dans tout système républicain, les institutions sont le gage de la stabilité et de la pérennité de l’Etat et non les individus, quelles que soient leurs valeurs ou leurs utilités. Chez nous, la dimension institutionnelle est souvent reléguée au second plan. Lors des dialogues organisés en 2011 - 2016 auxquels avaient participé des représentants de la majorité et une partie de l’opposition, dite dialoguiste, la réforme des institutions de souveraineté, à savoir la justice, l’administration, les institutions de sécurité et de défense, n’était pas un point central. On évoquait timidement la nécessité de la neutralité de l’administration et celle de l’Armée aux scrutins, sans propositions concrètes, ni visions prospectives.
Après presque six décennies de l’existence de l’Etat mauritanien durant lesquelles on est passé du pouvoir civil à parti unique à une série de régimes militaires ou semi-démocratiques dirigés par des militaires arrivés au pouvoir par la force qui se sont succédés du 10 juillet 1978 jusqu’à présent, excepté la parenthèse de l’ex président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, lui-même appuyé par certains militaires influents, nos institutions républicaines ressemblent aujourd’hui à des structures vétustes et anachroniques qui, pour remplir correctement leurs missions, doivent être refondées et remises en état afin qu’elles soient au diapason de l’évolution de notre peuple et de ses aspirations démocratiques légitimes.
Certes, toute réforme, sérieuse et désintéressée, demande détermination et patience. Des institutions fortes et crédibles constituent le seul rempart qui puisse prémunir l’existence de notre pays contre les soubresauts et les changements extraconstitutionnels qui remettent toujours à zéro le compteur de nos acquis sur la voie de la démocratisation. C’est pour éviter ce cycle sisyphien et absurde que nos efforts doivent s’orienter, dès à présent, vers des réformes réelles des structures sur lesquelles repose l’Etat, quitte à ce que cela nous prenne plusieurs années.
On doit s’inspirer des expériences des pays qui ont connu une situation comparable à la nôtre, notamment en Afrique, en Amérique latine ou même en péninsule ibérique. Notre pays a connu quatre putschs « réussis », ceux de 1978, 1984, 2005 et 2008, et environ dix tentatives de coups d’Etat échouées, dont deux sanglantes, celle du 16 mars 1981 et celle du 8 au 9 juin 2003, avec leurs lots de victimes, purges, chasse aux sorcières, injustices, révocations revanchardes, exactions, corruption et peines extra judiciaires.
Le putsch de 2005 a offert une occasion d’or pour la classe politique d’alors afin d’exiger de réelles réformes au sein des institutions de l’Etat avant l’organisation de tout scrutin, surtout que les membres de la junte militaire au pouvoir, le CMJD, avaient pris l’engagement de ne pas se présenter aux prochaines élections. Mais la naïveté et la courte vision ont amené cette même classe politique à croire que l’organisation d’un scrutin suffit pour régler tous les problèmes du pays, ce qui s’est avéré une grande illusion. La même erreur monumentale s’est répétée en 2008 lorsque l’opposition a accepté, dans la foulée des accords de Dakar, conclus in extremis, de participer à des élections dont les résultats auraient été reconnus par l’ensemble des candidats si les institutions de souveraineté avaient été mieux préparées à leur organisation. Ceci nous aurait aussi fait éviter le manque de confiance et les malentendus entre une partie de l’opposition, dite radicale, et le pouvoir ayant marqué la décennie 2009 – 2019.
L’occasion ratée à deux reprises en 2005 et 2008 s’offre de nouveau aujourd’hui avec le départ d’un président après avoir terminé les deux mandats successifs que lui autorise la Constitution. Le respect de la Loi fondamentale par le Président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, élu en 2009 et réélu en 2014, est un acte à saluer qui constitue une première dans l’histoire politique de notre pays. C’est aussi le moment de saisir cette opportunité pour introduire des réformes profondes et concertées aux institutions de l’Etat.
Pour l’administration, ces réformes doivent porter, entre autres, sur la mise à jour des textes régissant les concours de recrutement, les affectations, la promotion des agents et des fonctionnaires, la professionnalisation du corps administratif, etc. Cette refonte doit s’intéresser aussi à l’amélioration sensible des conditions de vie des administrateurs, avec l’imposition de la neutralité politique des commis de l’Etat.
Quant aux institutions de défense et de sécurité, les réformes devraient porter sur la révision des lois et réglementations régissant la mission et le fonctionnement interne de l’Armée et des autres corps : Gendarmerie, Garde nationale, Sécurité routière, Police, BED, Protection civile afin que la gestion de ces institutions soit transparente et vérifiable. Dans ce cadre, la justice militaire doit être refondée et réhabilitée en vue de permettre aux justiciables de la saisir facilement, sans contrainte, ni peur ou entrave. Des structures et des mécanismes de contrôle des budgets des différents corps doivent être créés au niveau des départements et entités de tutelle pour mieux suivre et vérifier la gestion de ces comptes et présenter à la justice tout individu, quel que soit son grade ou sa fonction, qui s’avère impliqué, de près ou de loin, dans une affaire de détournement de fonds publics.
Cette réforme doit aussi prendre en compte les conditions de vie des membres des forces armées et de sécurité, notamment l’augmentation substantielle de leurs salaires pour qu’ils soient proportionnels aux grades et non aux fonctions. L’assemblée nationale doit avoir le droit de mener une enquête au sein de tout corps pour édifier l’opinion publique nationale sur les cas éventuels d’injustice, de corruption, de malversation ou de détournement au sein de ces institutions. Les membres en activité de ces corps doivent être apolitiques afin que ceux-ci s’acquittent convenablement de leur mission fixée par la Constitution.
Dans ce cadre, il ne suffit pas de promulguer des lois interdisant et réprimant sévèrement les coups d’Etat, mais il faut plutôt, et c’est le plus important, trouver des solutions définitives aux problèmes qui puissent être les vrais mobiles de tout mécontentement ou changement par la force. Ainsi, les recrutements, les avancements, les mutations et les désignations aux différents postes et missions doivent être opérés suivant des critères préétablis, justes, objectifs, transparents et connus de tous.
Pour ce qui est de la justice, il faut qu’elle soit indépendante et séparée réellement du pouvoir exécutif. A cet effet, la réforme escomptée devrait consacrer, entre autres, la séparation effective des pouvoirs par la désignation du président de la Cour suprême ou du responsable de toute autre haute juridiction comme président du Haut conseil de la magistrature. La réforme de la justice passe inéluctablement par une nette amélioration des conditions de vie des juges, des greffiers et de l’ensemble du personnel du secteur judiciaire afin d’être en mesure d’exercer leur mission d’une manière juste et impartiale.
La réforme de l’enseignement, la bonne gouvernance et toute autre question de portée nationale doivent faire l’objet d’assises nationales où prendront part les acteurs politiques, la société civile, les syndicats, les experts, les intellectuels, les personnalités ressources afin d’être mûrement débattues et concrétisées par des feuilles de route réalistes et applicables.
Telles réformes ne peuvent être menées que par un gouvernement élargi, mis en place pour une période allant de trois à cinq ans, à l’issue de laquelle, et après l’accomplissement de ces réformes, des élections libres et transparentes peuvent être organisées.
Ce gouvernement élargi ou d’unité nationale, peu importe l’appellation, devrait être constitué par les partis et les acteurs politiques qui auront participé aux élections du 22 juin, quels que soient les résultats définitifs de telles échéances. Il suffit d’avoir le sens de l’intérêt général et de se rendre compte des dangers réels qui guettent le pays, situé dans une zone de turbulence politico-sécuritaire à hauts risques, celle de la bande sahélo-saharienne, pour comprendre l’utilité et l’urgence de telles réformes.
C’est la seule solution, pensons-nous, qui nous permet d’affermir davantage notre processus de démocratisation et d’éviter les crises post-électorales et l’instabilité politique qui en résulte.
Certes, l’enjeu électoral principal pour nos politiciens de tous bords c’est « le capitaine » qui va diriger le bateau, peu importe pour eux l’état de l’embarcation elle-même. Or, dans tout système républicain, les institutions sont le gage de la stabilité et de la pérennité de l’Etat et non les individus, quelles que soient leurs valeurs ou leurs utilités. Chez nous, la dimension institutionnelle est souvent reléguée au second plan. Lors des dialogues organisés en 2011 - 2016 auxquels avaient participé des représentants de la majorité et une partie de l’opposition, dite dialoguiste, la réforme des institutions de souveraineté, à savoir la justice, l’administration, les institutions de sécurité et de défense, n’était pas un point central. On évoquait timidement la nécessité de la neutralité de l’administration et celle de l’Armée aux scrutins, sans propositions concrètes, ni visions prospectives.
Après presque six décennies de l’existence de l’Etat mauritanien durant lesquelles on est passé du pouvoir civil à parti unique à une série de régimes militaires ou semi-démocratiques dirigés par des militaires arrivés au pouvoir par la force qui se sont succédés du 10 juillet 1978 jusqu’à présent, excepté la parenthèse de l’ex président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, lui-même appuyé par certains militaires influents, nos institutions républicaines ressemblent aujourd’hui à des structures vétustes et anachroniques qui, pour remplir correctement leurs missions, doivent être refondées et remises en état afin qu’elles soient au diapason de l’évolution de notre peuple et de ses aspirations démocratiques légitimes.
Certes, toute réforme, sérieuse et désintéressée, demande détermination et patience. Des institutions fortes et crédibles constituent le seul rempart qui puisse prémunir l’existence de notre pays contre les soubresauts et les changements extraconstitutionnels qui remettent toujours à zéro le compteur de nos acquis sur la voie de la démocratisation. C’est pour éviter ce cycle sisyphien et absurde que nos efforts doivent s’orienter, dès à présent, vers des réformes réelles des structures sur lesquelles repose l’Etat, quitte à ce que cela nous prenne plusieurs années.
On doit s’inspirer des expériences des pays qui ont connu une situation comparable à la nôtre, notamment en Afrique, en Amérique latine ou même en péninsule ibérique. Notre pays a connu quatre putschs « réussis », ceux de 1978, 1984, 2005 et 2008, et environ dix tentatives de coups d’Etat échouées, dont deux sanglantes, celle du 16 mars 1981 et celle du 8 au 9 juin 2003, avec leurs lots de victimes, purges, chasse aux sorcières, injustices, révocations revanchardes, exactions, corruption et peines extra judiciaires.
Le putsch de 2005 a offert une occasion d’or pour la classe politique d’alors afin d’exiger de réelles réformes au sein des institutions de l’Etat avant l’organisation de tout scrutin, surtout que les membres de la junte militaire au pouvoir, le CMJD, avaient pris l’engagement de ne pas se présenter aux prochaines élections. Mais la naïveté et la courte vision ont amené cette même classe politique à croire que l’organisation d’un scrutin suffit pour régler tous les problèmes du pays, ce qui s’est avéré une grande illusion. La même erreur monumentale s’est répétée en 2008 lorsque l’opposition a accepté, dans la foulée des accords de Dakar, conclus in extremis, de participer à des élections dont les résultats auraient été reconnus par l’ensemble des candidats si les institutions de souveraineté avaient été mieux préparées à leur organisation. Ceci nous aurait aussi fait éviter le manque de confiance et les malentendus entre une partie de l’opposition, dite radicale, et le pouvoir ayant marqué la décennie 2009 – 2019.
L’occasion ratée à deux reprises en 2005 et 2008 s’offre de nouveau aujourd’hui avec le départ d’un président après avoir terminé les deux mandats successifs que lui autorise la Constitution. Le respect de la Loi fondamentale par le Président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, élu en 2009 et réélu en 2014, est un acte à saluer qui constitue une première dans l’histoire politique de notre pays. C’est aussi le moment de saisir cette opportunité pour introduire des réformes profondes et concertées aux institutions de l’Etat.
Pour l’administration, ces réformes doivent porter, entre autres, sur la mise à jour des textes régissant les concours de recrutement, les affectations, la promotion des agents et des fonctionnaires, la professionnalisation du corps administratif, etc. Cette refonte doit s’intéresser aussi à l’amélioration sensible des conditions de vie des administrateurs, avec l’imposition de la neutralité politique des commis de l’Etat.
Quant aux institutions de défense et de sécurité, les réformes devraient porter sur la révision des lois et réglementations régissant la mission et le fonctionnement interne de l’Armée et des autres corps : Gendarmerie, Garde nationale, Sécurité routière, Police, BED, Protection civile afin que la gestion de ces institutions soit transparente et vérifiable. Dans ce cadre, la justice militaire doit être refondée et réhabilitée en vue de permettre aux justiciables de la saisir facilement, sans contrainte, ni peur ou entrave. Des structures et des mécanismes de contrôle des budgets des différents corps doivent être créés au niveau des départements et entités de tutelle pour mieux suivre et vérifier la gestion de ces comptes et présenter à la justice tout individu, quel que soit son grade ou sa fonction, qui s’avère impliqué, de près ou de loin, dans une affaire de détournement de fonds publics.
Cette réforme doit aussi prendre en compte les conditions de vie des membres des forces armées et de sécurité, notamment l’augmentation substantielle de leurs salaires pour qu’ils soient proportionnels aux grades et non aux fonctions. L’assemblée nationale doit avoir le droit de mener une enquête au sein de tout corps pour édifier l’opinion publique nationale sur les cas éventuels d’injustice, de corruption, de malversation ou de détournement au sein de ces institutions. Les membres en activité de ces corps doivent être apolitiques afin que ceux-ci s’acquittent convenablement de leur mission fixée par la Constitution.
Dans ce cadre, il ne suffit pas de promulguer des lois interdisant et réprimant sévèrement les coups d’Etat, mais il faut plutôt, et c’est le plus important, trouver des solutions définitives aux problèmes qui puissent être les vrais mobiles de tout mécontentement ou changement par la force. Ainsi, les recrutements, les avancements, les mutations et les désignations aux différents postes et missions doivent être opérés suivant des critères préétablis, justes, objectifs, transparents et connus de tous.
Pour ce qui est de la justice, il faut qu’elle soit indépendante et séparée réellement du pouvoir exécutif. A cet effet, la réforme escomptée devrait consacrer, entre autres, la séparation effective des pouvoirs par la désignation du président de la Cour suprême ou du responsable de toute autre haute juridiction comme président du Haut conseil de la magistrature. La réforme de la justice passe inéluctablement par une nette amélioration des conditions de vie des juges, des greffiers et de l’ensemble du personnel du secteur judiciaire afin d’être en mesure d’exercer leur mission d’une manière juste et impartiale.
La réforme de l’enseignement, la bonne gouvernance et toute autre question de portée nationale doivent faire l’objet d’assises nationales où prendront part les acteurs politiques, la société civile, les syndicats, les experts, les intellectuels, les personnalités ressources afin d’être mûrement débattues et concrétisées par des feuilles de route réalistes et applicables.
Telles réformes ne peuvent être menées que par un gouvernement élargi, mis en place pour une période allant de trois à cinq ans, à l’issue de laquelle, et après l’accomplissement de ces réformes, des élections libres et transparentes peuvent être organisées.
Ce gouvernement élargi ou d’unité nationale, peu importe l’appellation, devrait être constitué par les partis et les acteurs politiques qui auront participé aux élections du 22 juin, quels que soient les résultats définitifs de telles échéances. Il suffit d’avoir le sens de l’intérêt général et de se rendre compte des dangers réels qui guettent le pays, situé dans une zone de turbulence politico-sécuritaire à hauts risques, celle de la bande sahélo-saharienne, pour comprendre l’utilité et l’urgence de telles réformes.
C’est la seule solution, pensons-nous, qui nous permet d’affermir davantage notre processus de démocratisation et d’éviter les crises post-électorales et l’instabilité politique qui en résulte.